Nous avons profité du passage des General Elektriks sur Montpellier pour poser quelques questions à Hervé Salters, on découvre petit à petit toute une histoire à travers son troisième album Parker Street, mais aussi ses coups de coeur musicaux qu'il nous fait partager avec joie... Enjoy !






UNKNOWN MAGAZINE : Qu’as-tu fais ces deux dernières années avant de sortir Parker Street ?

Hervé Salters : J’ai fini la tournée de Good City For Dreamers qui a duré un an et demi. Nous nous sommes arrêtés il y a plus d’un an au Brésil, c’était en Décembre 2010. Après ça, j’ai fait une bande son pour une série télé pour France 2 qui s’appelle les Beaux Mecs, j’ai travaillé trois mois dessus c’était très intéressant, vraiment captivant, la musique sur image c’est mon truc. D’ailleurs j’ai des projets en route par rapport à ça. J’ai ensuite fait le deuxième album d’Honeycut (Comedians ndlr), qui est un projet de la région de San Francisco, on avait sorti un premier album qui n’est malheureusement pas sorti en Europe pour une histoire de distributeur. Mais le second album est sorti et dans la foulée j’ai fait Parket Street.


UNKNOWN MAGAZINE : Justement, peux-tu nous parler de ton troisième album ?

HS : Il y a quelque chose d’assez différent dans mon approche de Parker Street par rapport au deux albums précédents, c’est le peu de temps que j’avais pour le faire. Les deadlines qu’on s’était donné avec Discograph (son label ndlr), on voulait le sortir en Automne 2011, on était déjà en Février 2011. Pour sortir un disque à l’Automne il faut l’avoir fini au printemps pour pouvoir commencer à travailler au niveau de la promo. Ca me laissait quatre mois pour le faire et je sortais des Beaux Mecs et de Honeycut et donc je me suis dit « ce serait intéressant de faire un disque vite, comme ça ». Je n’avais absolument rien, j’avais quelques bribes de mélodies. Vu que je sortais de projets assez lourds où j’avais vraiment cliqué sur la souris, c’était plus des travaux de longue haleine sur plusieurs années. J’avais cette idée de faire quelque chose en express. Les premiers albums étaient faits sur la longueur avec beaucoup de recul : tu travailles un petit peu sur morceau puis tu t’en vas, tu es en tournée, puis je revenais je retravaillais sur d’autres morceaux. Et je me suis dis « ce serait bien de faire autre chose ». Ca s’est transformé en un disque qui est plus photo-polaroid : qui j’étais artistiquement et humainement à ce moment-là, de la mi Février à mi Juin 2011. Ce qui s’est passé à ce moment-là c’est que l’on a commencé à organiser notre déménagement dans la région de San Francisco où j’ai vécu pendant une dizaine d’années, pour terminer sur Berlin. C’est très différent et très sympa, j’adore Berlin. Nous sommes dans une année stand-by de tournée principalement Française & Européenne. Et pendant ces quatre mois, l’inspiration est venue principalement de ça, de cette idée de dire au revoir à cette vie que l’on a eu à San Francisco pendant ces dizaines d’années où nous avons été très heureux, d’où le nom de Parker Street, qui est notre rue. À l'arrière de cette maison, au 23-17 Parker Street, il y avait un super jardin avec un palmier fantastique et un garage que j’avais transformé pour faire mes disques, ça avait d’autant plus de sens d’appeler ce disque Parker Street. Je pense que s’il y a une petite mélancolie ou nostalgie dans le disque c’est à cause de ça en fait, je ne m’en suis pas vraiment rendu compte au moment où je l’ai écris, avec le recul oui, par rapport à Good City For Dreamers qui était plus un disque « fluo », dans la fête, tu vois ce que je veux dire ? Parker Street est plus introspectif, c’est comme si tu invitais des gens pour une tasse de thé (rires) !





UNKNOWN MAGAZINE : Parker Street semble plus jazzy plus posé, moins dynamique que les autres albums, on se demandait pourquoi ce choix ?

HS
: On me l’a pas mal dit, c’est juste que les gens étaient habitués à ce qu’était General Elektriks sur deux disques, ils s’attendaient à entendre de l’énergie, comme les lives, donc je pense que beaucoup de gens attendaient cet album comme les précédents. Ca aurait été un mensonge si j’avais fait ça, parce que ce n’est pas ce qui m’est venu. Ce projet est complètement honnête, c’est la musique qui me vient au moment où ça me vient, c’est né comme ça, et ça s’est mis à fonctionner de cette manière. J’essaie d’être le plus honnête possible et de faire la musique qui me vient quand je me lève le matin. Je pense que si je faisais un album maintenant, ce serait très différent de Parker Street, je suis de nouveau dans une logique de tournée et d’énergie. Je me trompe peut-être mais je pense que c’est le genre de disque vers lequel les gens qui aiment ce projet aimeront pouvoir se retourner plus tard. Parce qu’il est un peu moins dans l’instant, il était un petit peu anachronique. C’est un disque qui prend le temps, un peu pénard. Il a besoin qu’on lui donne le temps d’être digéré et de vivre sa vie. Plus que Good City For Dreamers ou Cliquety Kliqk.



UNKNOWN MAGAZINE : Pour en revenir à la scène, tu dégages un dynamisme impressionnant : Quel est ton secret ?

HS
: Je n’en ai pas vraiment ! Je trouve normal de donner un maximum de soi-même. Du moment où les gens paient pour venir te voir performer sur scène, ça me semble le minimum de ne pas regarder ses pieds. Je ne considère pas être quelqu’un de très intéressant quand je suis en train de regarder mes pieds, donc j’essaie de faire autre chose pour faire en sorte que ça fasse un peu rêver. J’ai ce truc où j’arrive à danser et jouer en même temps, c’est une manière d’exorciser ma timidité, je ne suis pas quelqu’un de très extraverti. Avant de monter sur scène c’est un petit peu violent pour moi. Ce n’est pas une sensation très agréable, et de me dire qu’une fois sur scène je vais me lâcher, ça rend la chose plus facile. C’est quelque chose que j’ai essayé de convier au reste de la formation live, ce qui n’a pas été dur du tout, parce qu’ils ont chacun une personnalité où ils aiment prendre le taureau par les cornes, à leurs manières et c’est ça que l’on essaie d’offrir aux gens : quelque chose d’assez frontal, où on envoie une grosse dose d’énergie dès le début en espérant un effet miroir. Et c’est souvent ça qui se passe, c’est super ! On ne cherche pas à calibrer les prestations, c’est quelque chose de « l’instant » tu vois ?




UNKNOWN MAGAZINE : Comment arrives-tu à gérer à la fois Honeycut, la production et General Elektriks ?

HS : Je n’ai pas vraiment réussi à gérer, les deux dernières années étaient vraiment du n’importe quoi. Ce n’est pas évident. J’aime toujours l’idée de participer à différents projets, ne serait-ce que parce que ça me nourrit en tant que personne tout court et puis aussi artistiquement pour General Elektriks. Que je puisse faire autre chose à côté ça me fait du bien, il y a un effet ping-pong avec les collaborations. Quand je trouve des gens avec qui j’aime vraiment bosser, que j’admire, c’est comme se nourrir de la super bonne bouffe ! Ca te fait du bien. Je vais essayer de calmer un peu le jeu, j’ai empilé trop de missions ces dernières années. Là je sors d’une semaine d’enregistrement avec Chief Xcel de Blackalicious, on a un projet ensemble qui s’appelle Burning House et qui va sortir à priori début 2013. Je suis en train de bosser sur le nouveau Pigeon John aussi. Pour ce qui est de Honeycut, je ne sais pas vraiment ce qu’il va se passer maintenant que j’ai quitté la Californie, ce n’est pas évident de faire fonctionner tout ça à distance. Pour finir de répondre à ta question, c’est possible faire beaucoup de disques, de vivre un processus d’enregistrement et d’élaboration avec différents projets mais par contre, ce n’est pas possible de promouvoir pleins de projets à la fois, c’est quelque chose que j’ai vraiment réaliser récemment. J’ai donné une priorité à General Elektriks puisque c’est ça qui semblait fonctionner le mieux, c’est quelque chose que j’aime faire. Avec Honeycut on a fait quelques concerts, il a fallu que j’enchaine direct avec General Elektriks. Il y a certaines choses qu’il est possible de faire, et puis d’autres où tu n’as pas assez d’heures dans la journée. Mieux vaut avoir trop de projets que pas assez . Ce serait bien de pouvoir tout faire (rires) !



UNKNOWN MAGAZINE : Tu es donc nominé aux Victoires de la Musique dans la catégorie « album de musique électronique ou dance » aux cotés de Justice, Yuksek & David Guetta : quel effet ça te fait ? Tu t’y attendais ?

HS
: Non je ne m’y attendais pas du tout ! Je n’ai pas très bien compris pourquoi j’étais dans la catégorie musiques électroniques (rires) ! Le premier album était catégorisé électro ce qui est un peu plus compréhensible. Une fois que l’on t’a mis dans une case, tu restes dans cette case-là. Ce n’est pas juste un album de rock non plus. Je préfère terminer dans la catégorie électro où je trouve qu’il y a des trucs intéressants. Je suis quand même ravi d’être nominé, ça ne change pas ma vie, par contre ça fait très plaisir au label, aux interlocuteurs professionnels.



UNKNOWN MAGAZINE : Qu’est-ce-que l’on peut trouver dans ton MP3 en ce moment et que tu nous conseillerais d’écouter ?

HS : Plutôt des vieux trucs en fait ! Dans les trucs récents, j’aime beaucoup St Vincent, c’est vraiment bien. Elle est très douée. Ca faisait longtemps que je n’avais pas été surpris. La dernière fois que je l’ai été c’était le premier MGMT, j’avais vraiment aimé. Je suis un grand fan des LCD Soundsystem. J’ai beaucoup écouté Scott 4 de Scott Walker qui était un artiste américain qui a marché surtout en Angleterre et catégorisé brit-pop. Mais ça date des années soixante/soixante-dix. Il est toujours en activité, il fait des disques expérimentaux très intéressants, faut vraiment bien se concentrer pour écouter. À l’époque il sortait d’une carrière avec les Walker Brothers, qui n’étaient pas du tout des frères au passage, ils ne se connaissaient pas à la base, ils avaient eu un succès en Angleterre limite Beatles. Ils jouaient deux morceaux et le public raflait la scène, c’était les roadies qui les protégeaient. Après ça, il a entamé une carrière solo assez étrange, c’est un espèce de crooner existentiel avec des textes où il cite Camus. Le premier morceau de Scott 4 c’est un scénario du Septième Sceau de Bergman. Il y a un morceau qui s’appelle « The Old Man’s Back Again » c’est sur le stalinisme, c’est chanté baryton crooner, sur des trucs fair-groovy à la « Melody Nelson », deux ans avant « Melody Nelson » d’ailleurs. J’en suis sûr que Gainsbourg a écouté ce disque.
J’ai donc beaucoup écouté Scott Walker pendant Parker Street ce qui explique sûrement le côté orchestral de cet album. Un autre disque que j’ai écouté : Africa Brasil de Jorge Ben, c’est de la musique brésilienne, de la soul funk totalement brillante.



UNKNOWN MAGAZINE : Est-ce-que tu as un message à faire passer ?

HS
: Je dirais juste de garder la passion pour la musique, je trouve un peu dommage la manière dont la musique est dévalorisée, jeter dans les égouts. Tu écoutes un truc trois secondes et tu passes au prochain et tu considères que ce n’est pas la peine de payer. Le free-download ça ne me dit pas plus que ça, c’est un moyen de promotion d’accord, par contre il y a un moment où les artistes doivent sentir qu’il y a un engouement derrière ce qu’ils fabriquent, ce n’est pas clair, tu as un peu l’impression que les gens n'en ont rien à foutre pour dire les choses crûment. On est un peu dans l’ère de celui qui fera le plus gros buzz, qui sera remarqué pendant trois secondes et après c’est terminé on passe au prochain. Personnellement j’ai arrêté d’essayer de comprendre ce qu’il se passe, j’essaie juste de me concentrer sur la musique qui me vient, le plus honnêtement possible.




One Comment

Anonyme a dit…

J'ai pris le temps de lire ton interview, bravo. A+